16/03/2022





CONFRONTS

Dans le juste milieu de la roche et du sable de l’eau et
du feu des cris et du silence universels
Parfait comme l’or
Le spectacle de ciment de la Beauté clouée
Chantage

Dehors
La terre s’ouvre
L’homme est tué
L’air se referme

Les notions de l’indépendance sucrent au goût des
oppresseurs le sang des opprimés
Les fainéants crépitent avec les flammes du bûcher
C’est la transmutation des richesses harmonieuses
Le langage des porteurs de scapulaire : «Au crépuscule
À l’heure où les poissons viennent en troupeau
Respirer à la surface de la mer
Invariablement
La main à cinq hameçons
La main divine
Cueille le fruit du sel»

Hypothétique lecteur
Mon confident désœuvré
Qui a partagé ma panique
Quand la bêche s’est refusée à mordre le lin
Puisse un mirage d’abreuvoirs sur l’atlas des déserts
Aggraver ton désir de prendre congé
Les vivants parlent aux morts de médecine salvatrice
de tireur de hasard à la roue de la raison
Les armées solides sont liquides après la chimie des oiseaux
Les yeux les moins avides embrassent à la fois le panorama et les ressources de l’île
Plante souple dans un sol rude

Mais voici le progrès

Les mondes en transformation appartiennent aux poètes carnassiers,
Les distractions meurtrières aux rêveurs qui les imaginent
À l’esprit de fonder le pessimisme en dormant
Au temps de la jeunesse du corps
Pour voir grandir
La chair flexible et douce
Au-dessus des couleurs
À travers les cristaux des consciences inflexibles
Au chevet de la violence dilapidée
Dans l’animation de l’amour
Lorsqu’elle passera devant le soleil
Peut-être le dernier simple incarnera la lumière.

René Char, "Le Marteau sains maître / Poèmes Militants", in pág. 38-39, Œ𝘶𝘷𝘳𝘦𝘴 𝐶𝑜𝑚𝑝𝑙è𝑡𝑒𝑠, 1988 (reimpressão), Gallimard, França

 


 

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